Attractivité et ancrage local, la nouvelle équation à l’heure de la transition écologique et sociale des territoires
Quelles sont les démarches d’ancrage local qu’un territoire peut déployer pour renforcer son attractivité ?
Temps de lecture : 5 min – 27 MaI 2021 – L’équipe de LaVilleE+

Redéveloppement économique, activation des filières locales de production et relocalisation de filières, nouvelles mobilités, emplois et compétences, qualité d’usage et de vie des espaces urbains, péri-urbains et ruraux… Face à ces enjeux, la réflexion systémique et les démarches de participation citoyenne permettent de réinterroger les pratiques de développement, avec un prisme plus local, à une échelle plus humaine,… en pariant sur les atouts locaux pour s’inscrire dans un monde en réseau.
Développer des pôles d’attractivité ancrés dans le territoire
Ancrage territorial et attractivité, deux notions complémentaires
L’attractivité est aujourd’hui multidimensionnelle et se réfléchit en tenant compte des différents besoins primaires: travailler, s’approvisionner, se nourrir, se soigner, se former, se détendre, se cultiver.
En ce qui concerne l’ancrage local, il se compose autant des repères historiques, culturels, géographiques, que de l’imaginaire collectif, de l’idée que les gens se font du lieu, du rôle de celui-ci, de sa mission, du sens qu’il doit donner au territoire.
A l’heure de la transition écologique et sociale des territoires, qui sont toujours plus connectés et intégrés dans un monde global, l’idée est de trouver comment développer des pôles d’attractivité ancrés dans le territoire, à taille humaine et utiles aux acteurs locaux.
Ces politiques publiques territoriales en faveur des nouveaux pôles « locaux » se veulent porteuses de sens à long terme. Elles cherchent à les intégrer pleinement dans le maillage local, régional et au-delà. Le tout dans une logique d’armature territoriale renouvelée. L’avantage est alors double: ces politiques publiques territoriales permettent de renforcer le tissu économique et social local tout en développant de nouveaux liens avec les villes avoisinantes et leur aire d’influence.
« Les villes moyennes, point de départ d’une perspective moderne d’aménagement du territoire et de relance économique autant qu’une promesse de qualité de vie. »
référence : https://www.villesmoyennes.org
L’influence des politiques territoriales
Dans cette lignée, de nombreux acteurs travaillent aujourd’hui à fédérer les filières locales de production, de transformation, de commercialisation, avec des logiques favorisant la création de valeur pour toutes et tous. C’est aussi par-là l’occasion de réfléchir au sens mis dans nos actions quotidiennes, quelles soient professionnelles ou citoyennes.
A titre d’exemple possible, on peut imaginer coupler une réflexion de PAT (Projet Alimentaire Territorial) avec une opération d’aménagement de ZAC/ZAE dans laquelle on pourrait accueillir des acteurs capables de compléter la chaîne de valeur locale (ex : agroalimentaire, tissage du lin, cuisine bio couplée à du maraîchage,…). A titre d’exemple, la nouvelle zone d’activité LB3 (ZAC Long Buisson 3) dans l’agglomération Évreux Portes de Normandie peut tout à fait s’inscrire dans cette optique via la concertation du PAT lancée en juin 2021.
Dans l’esprit des Territoires d’industrie, on peut aussi penser à l’essor de l’économie du vélo qui ouvre des opportunités pour recréer de l’industrie à valeur ajoutée dans le domaine des cadres de vélo aluminium et carbone, des équipements électroniques et des motorisations, des accessoires, du montage, des services… qui pourrait être développée en tant qu’activité à valeur ajoutée sur le territoire de Sénart dans le 77 qui cherche à se diversifier.
Alimentation de qualité en circuit-court, santé, pédagogie active, économie des nouvelles mobilités actives, électriques ou encore hydrogène sont autant d’exemples des nouveaux moteurs de l’emploi et de l’activité économique répondant à nos besoins locaux.
« Référence: Programme national des territoires d’industriehttps://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-dindustrie-44
Se développer, une source de déséquilibre à atténuer
S’étendre ou reconstruire la ville sur la ville, plusieurs stratégies urbaines possibles
La stratégie d’attractivité est source de déséquilibres, par exemple dans les franges de la ville ou dans les territoires ruraux limitrophes de pôles urbains en développement.
Pour accueillir ces nouvelles activités, deux stratégies urbaines sont possibles: l’une visant à développer la ville sur ses franges agricoles au risque de faire émerger des oppositions fortes ; l’autre visant à reconstruire la ville sur les « friches » industrielles, commerciales ou tertiaires. En ce sens, les nouveaux objectifs de ZAN (Zero Artificialisation Nette) ont rebattu les cartes des ZAC et ZAE, ces “ infrastructures d’attractivité ». En définissant des stratégies de long terme, en organisant des synergies entre communes et acteurs économiques et en valorisant des fonciers difficiles, les inter-communalités participent pleinement à la mise en place de ces infrastructures vitales pour développer l’emploi et les compétences.
Le fond friche du Gouvernement Francais, 650 MEur qui pourraient aussi, au-delà des objectifs de production de logements qualitatifs, profiter au développement de l’attractivité des territoires.
référence : https://www.ecologie.gouv.fr/recyclage-des-friches-gouvernement-double-fonds-dedie-atteindre-650-millions-deuros
Le développement des pôles urbains induit de nouvelles relations avec les franges rurales
Autre effet du développement de l’attractivité : l’arrivée de nouveaux habitants, notamment les néoruraux. L’objectif pour le territoire est alors de permettre leur intégration et leur transition, d’éviter le conflit entre les « anciens » et les « nouveaux », de limiter les ruptures et incompréhension entre les usages passés et ceux qui sont amorcés par l’arrivée d’habitants aux pratiques imprégnées des modèles urbains.
Se saisir de l’arrivée des néoruraux pour redimensionner les services présents sur le territoire est une opportunité pour les localités en développement ; notamment en matière de mobilités : transports en commun, mobilités actives, intermodalité, mais aussi en matière de santé, d’emplois, de circuits courts alimentaires avec le redéveloppement de maraichages ou encore de services avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Dans le même temps, il est important de chercher à développer des apports mutuels. La création d’infrastructures de mobilité actives, la créations de voies vertes et la connexion aux véloroutes françaises et européennes participent ainsi à ce développement plus harmonieux à l’échelle locale entre ville et campagne tout en activant un potentiel de croissance touristique. Se déplacer autrement, change notre rapport au temps et se révèle être une source de rencontres créatrice d’opportunités.
Le développement volontariste de la politique vélo est aujourd’hui reconnu comme un facteur d’attractivité et de création de valeur locale.
Impact économique et potentiel de développement des usages du vélo en France (DGE, DGITM, ADEME, FFCyclisme) – mai 2020
référence : https://www.entreprises.gouv.fr/fr/presse/etudes-et-statistiques/dossiers-de-la-dge/impact-economique-et-potentiel-de-developpement
Un nouveau rapport aux lieux dans un monde en réseau
Le télétravail, la fibre, le TGV… la distance n’est plus forcément une contrainte
Exemple : David Goodhart – «La crise du coronavirus rapproche les “anywhere” et les “somewhere”».
“Goodhart distingue donc entre les « anywhere », ceux qui sont « de nulle part », des élites volontairement délocalisées, protéiformes en même temps que semblables en ce qu’elles sont certes coupées de leurs identités d’origine mais respectent les mêmes codes et modes où que ce soit dans le monde, et les « somewhere », ceux qui, au contraire, sont « de quelque part », et qui font du maintien de leurs identités et de leurs valeurs un impératif.” – source
Avec la crise du COVID19, des tendances s’affirment et redessinent le rapport au territoire. Si les catégories d’anywhere et de somewhere (voir citation ci-dessus) se sont longtemps cantonnées à des catégories sociales favorisées (cadres internationaux, étudiants de grandes écoles, touristes en quête de découvertes), la généralisation massive du télétravail est venue redéfinir et questionner le rapport à l’espace de nombre d’urbains.
« Travailler de n’importe où », une opportunité pour les territoires d’attirer et de valoriser des compétences, un art de vivre , des atouts patrimoniaux, culturels ou naturels.
Les leader de l’hôtellerie surfent ainsi sur la tendance avec des offres de lieux “lifestyle” qui redéfinissent la notion d’accueil et de séjour des hôtels. Certains groupes comme Accor vont plus loin en proposant de faire muter leurs hôtels en lieux d’activité pour travailler de n’importe où… en s’adressant à tous ceux qui n’ont pas besoin d’hôtel. Les territoires accueillent ainsi de nouvelles « adresses » à la visibilité mondiale grâce aux plateformes numériques.
Sous la pression des prix de l’immobilier dans les grands centres urbains et avec l’essor du télétravail et des technologies numériques, habiter dans un coin de la France et travailler dans un autre, à distance ou à raison de quelques jours par semaine, est devenu une réalité.
Certains notent une forme d’exode des classes créatives vers des territoires moins denses, à taille plus humaine mais qui ont la qualité d’être connectés au TGV et à la fibre optique ; nouveaux standards de qualité devenus indispensables à nos activités connectées.
L’attractivité doit-elle pour autant se résumer à un paysage et à quelques services utiles consommables facilement ? Évidemment non. L’enjeu est de faire émerger des écosystèmes attractifs sans renier l’ancrage culturel et patrimonial. A ce titre, le Pôle Image Magelis est un bel exemple d’investissement dans cette économie créative depuis plusieurs années. Il contribue au rayonnement du territoire à l’échelle européenne.
Référence : Pôle Image Magelis à Angoulême https://www.magelis.org/linstitution/
Pour Richard Florida, Les individus qui composent « classe créative » sont “payés principalement à faire les travaux de création. Ce sont des scientifiques, des ingénieurs, des artistes, des musiciens, des designers et des professionnels de la connaissance, que collectivement j’appelle la “classe créative”.
voir The Rise of the Creative Class, Richard Florida, 2002
Faire ensemble pour faire mieux, un puissant levier de création de valeur pour tous
L’opportunité de la concertation orientée action
La concertation de l’écosystème local et régional pour développer une stratégie d’attractivité avec un ancrage local, est source d’idées et de projets communs. Une opportunité pour créer de nouveaux liens et de nouvelles synergies… et bâtir la résilience des écosystèmes locaux.
La co-construction, la concertation, l’engagement citoyen sont autant de leviers efficaces pour renforcer la politique d’attractivité et pour atténuer ses effets négatifs en recherchant collectivement de nouvelles réponses, de nouveaux équilibres.
La co-construction, « une impérieuse nécessité » , avait dès 2019 fait l’objet d’un guide très riche de l’ADCF (Assemblée des Communautés de France) invitant à des concertations ambitieuses.
référence : https://www.banquedesterritoires.fr/un-guide-de-ladcf-pour-concerter-lechelle-intercommunale
A l’heure de la transition écologique et sociale des territoires, résoudre l’équation de l’attractivité est un acte stratégique, mêlant vision politique de long terme et réponse opérationnelle aux enjeux du quotidien, tout en favorisant une création de valeur plus locale qui profite à tous !