La percolation des stratégies territoriales de développement économique dans les petites communes, l’avenir des pôles d’attractivité

Quels sont les impacts des pôles d’attractivité et de compétitivité sur les territoires ? Comment penser de meilleurs ancrages territoriaux pour ces activités ?

Temps de lecture :  4 min – 27 MaI 2021 – L’équipe de LaVilleE+


image d'un chantier d'envergure de pole d'attractivité
La percolation est un concept physique qui désigne le passage d’un fluide à travers un milieu plus ou moins perméable, de haut en bas. Certaines stratégies territoriales de pôles économiques s’appuient sur ce principe en créant de grands pôles d’attractivité spécialisés très localisés pour impacter tout un territoire. Les impacts de ces activités sont à nuancer selon leur type d’implantation. Les pôles de compétitivité créés sur un modèle de tabula rasa vont souvent pouvoir avoir un rayonnement européen voire mondial, mais viendront profondément changer les équilibres territoriaux locaux. Les pôles de coopération économique, quant-à-eux, sont souvent d’importance moindre mais suivent une logique de développement organique, se basant sur les identités et savoir-faire locaux. Ces 2 stratégies ont des ambitions, des temporalités et une approche territoriale différentes, et donc un type et un degré de percolation différents.

La place des pôles d’attractivité et de compétitivité dans les territoires

Création de grands pôles économiques spécialisés, une stratégie territoriale de développement économique à grande échelle

Un pôle de compétitivité est, en France, un « rassemblement, sur un territoire bien identifié et sur une thématique ciblée, d’entreprises petites, moyennes ou grandes, de laboratoires de recherche et d’établissements de formation ». Ces grappes industrielles ont vocation à rendre l’économie plus compétitive, à créer des emplois, à rapprocher la recherche privée et publique et à développer certaines zones en difficulté.

L’objectif est de créer des « biotopes » spécialisés dans un espace restreint pour catalyser les interactions et les productions entre différents acteurs dans un domaine ou secteur en particulier. Cela permet d’être plus compétitif sur le plan mondial mais surtout rendre attractif des territoires souvent en marge, grâce à de nouvelles activités très dynamiques. Par exemple, Bordeaux a sa Route des Lasers, Toulouse son Aérospace Valley, Strasbourg son Alsace Biovalley et Saint-Etienne sa Viaméca. Au total, ce sont plus de 71 pôles de compétitivités qui sont présents en France. Le but est de faire rayonner les activités françaises mais aussi de dynamiser les territoires partout sur le territoire national.

Exemple : Le cluster Paris-Saclay en Ile-de-France, des impacts territoriaux partagés

À une vingtaine de kilomètres au sud de Paris, sur le plateau de Saclay qui est à cheval sur les départements de l’Essonne et des Yvelines, l’État a décidé en 2008 de créer de manière volontariste, en s’appuyant sur un potentiel déjà présent, un grand pôle universitaire et scientifique de rang mondial : Paris-Saclay. Ce nouveau cluster a pour ambition affirmée de devenir une « Silicon Valley ». L’objectif est de créer un écosystème d’étudiants, chercheurs et entrepreneurs pour former à la fois un moteur d’innovation mais aussi un levier de développement économique dans le domaine de la connaissance.

Ce projet s’inscrit dans une politique de polycentralisation du territoire francilien autour de grands pôles spécialisés comme Paris-Saclay, La Défense, Paris, les aéroports d’Orly et Roissy ou le pôle de divertissement de Marne-la-Vallée – qui vont être reliés par le Grand Paris Express.

Attractivité et compétitivité ne rime pas toujours avec territorialité

Le développement d’écosystèmes économiques de grande envergure ne profite pas toujours aux communes du territoire. La juxtaposition de ces 2 modèles économiques disjoints, l’un évoluant dans la compétition mondialisée et l’autre dans une logique plus locale – souvent en marge -, posent régulièrement des conflits. 

Malgré une certaine percolation d’externalités positives produits par ces pôles économiques spécialisés dans les communes et auprès de leur population – comme le développement de l’emploi ou de nouveaux services sur le territoire -, une mutation souvent soudaine des dynamiques territoriales a lieu. Cela vient donc perturber les équilibres écosystémiques locaux, plus fragiles, qui ne peuvent suivre le rythme de ces développements. Cela se traduit par exemple par une hausse du prix de l’immobilier du fait de la migration de certains travailleurs plus aisés qui tendent le marché.

L’ingénierie territoriale, une clé pour un ancrage de qualité des politiques de développement économique

Vers une meilleure percolation des stratégies territoriales de développement économique : l’importance du contexte local

Les territoires sont tous liés à une identité économique, industrielle ou artisanale propre. Se baser sur ces filières et savoirs locaux permet un meilleur ancrage des politiques de développement économique. 

Comprendre ces liens et attaches humaines et économiques sur les territoires permet de proposer des développements économiques plus organiques et fluides, donc plus solides et durables. Il s’agit d’inverser la réflexion d’adapter le territoire au pôle souhaité à créer un pôle adapté au territoire. En d’autres mots, cela passe par un changement de paradigme : il ne faut plus voir ces espaces comme de simples réceptacles neutres d’activités économiques mais comme des actifs et des contextes.

« L’entreprenant est un jardinier qui se soucie de faire grandir ses plantes en s’adaptant aux conditions locales plutôt qu’un maçon qui construit sur des plans préétablis. »

Point 8 du manifeste des entreprenants

Exemple : Romans-sur-Isère, la renaissance de la Vallée de la chaussure

Romans-sur-Isère était condamnée après la fermeture de la dernière usine de chaussures. Une mobilisation des entrepreneurs locaux et des citoyens a permis de sauver cette industrie, et relancer tout le territoire en proposant de fabriquer des chaussures, et cela entièrement, dans la même vallée qu’on peut caractériser de pôle de coopération économique. Le renouveau de cette production locale par des acteurs locaux a donc permis à la fois d’éviter les dérives de la quête de l’attractivité hors-sol tout en redynamisant fortement le territoire à une échelle régionale voire nationale. Aujourd’hui, l’écosystème de ce pôle de coopération économique ne cesse de grandir avec de nouveaux artisans, associations, écoles et même des « start-up de territoire » qui viennent innover dans cette industrie.

La participation citoyenne et entrepreneuriale dans les stratégies territoriales, une voie pour un développement économique durable et bienveillant

Les différentes crises et tensions dans les territoires poussent à repenser la lecture du rapport local et global, et la recherche du moindre coût. Il ne faut pas oublier que dans un contexte de chaine de valeur divisée et mondialisée, le territoire a un avantage différenciatif. Il est beaucoup plus durable car il n’est pas susceptible de disparaître sous l’effet de la mobilité des facteurs.

La participation citoyenne et entrepreneuriale dans les stratégies de développement économique est essentielle car elle permet une véritable territorialisation des activités et donc une attractivité plus durable et bienveillante. Cela permet d’allier le temps court de la compétitivité internationale avec des compétences déjà présentes, et le temps long des territoires locaux avec une circulation et une évolution des ressources et savoir-faire locaux.

Pour aller plus loin : L’avenir des bureaux, mutations et perspectives des espaces de travail


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