Transition énergétique et biogaz, un nouveau gaz vert pour le territoire ?

Quel rôle peut jouer le biogaz au sein des villes et des milieux ruraux ?

Temps de lecture :  4 min – 7 décembre 2020 – L’équipe de LaVilleE+


vache en premier plan devant une installation de production de Biogaz
A l’heure de la transition énergétique, la France positionne ses attentes sur le biogaz en termes d’usages pour les industries, l’immobilier et la mobilité. Ce “gaz vert” présente des opportunités au niveau de l’économie circulaire, de la production locale d’énergie mais aussi de la gestion des déchets. Implanté différemment en milieu rural, périurbain et urbain, le biogaz est une clé pour la diversification du mix énergétique et une alternative aux carburants fossiles. Cependant, cette énergie et notamment sa production est délicate et est sujette à diverses controverses.

Transition énergétique et biogaz, une nouvelle opportunité ?

Vous avez-dit biogaz ?

Énergie renouvelable issue de déchets divers, le biogaz est utilisé pour produire de l’électricité, de la chaleur pour l’immobilier et l’industrie ainsi que du carburant destiné à différents véhicules. Le ministère de la transition écologique a fixé un objectif de 10% de consommation de gaz renouvelable en France pour 2030. Que ce soit dans les complexes immobiliers, les quartiers, les villes, les industries ou sur les exploitations agricoles, la production et l’utilisation du biogaz est en train de se développer sur le territoire français et européen. 

Les usines de production de biogaz – appelées méthaniseurs – doivent encore faire face à des enjeux de disponibilité des déchets, d’émission de gaz à effet de serre et de gestion du déchet issu de la méthanisation – le digestat. Des micro-usines de production implantables sur des petits fonciers en ville sont encore au stade d’expérimentation pour répondre à la gestion locale des déchets.

Une nouvelle opportunité pour nos territoires ?

Le biogaz présente aujourd’hui de nombreuses opportunités pour soutenir et consolider l’essor de la filière des énergies renouvelables. En 2019, on compte 860 unités de production de biogaz en France. Cette énergie peut être valorisée en chaleur et électricité grâce à la co-génération, ou bien être injectée sur le réseau de gaz de ville après épuration. De même, le digestat – le déchet liquide issu de la production du biogaz – est stocké et peut être valorisé en compost ou en tant qu’engrais sur les exploitations agricoles. Le biogaz nous propose donc des perspectives d’économie circulaire et de gestion de déchets pour la production locale d’énergies renouvelables.

Pour aller plus loin : LES ÉNERGIES DANS LES TERRITOIRES, PERSPECTIVES ET DÉFIS

Le développement du biogaz est étroitement lié aux directives impulsées par l’Etat et l’Union Européenne. La Loi Grenelle 2 de 2010 contient dans ce cadre un volet visant à soutenir le rachat de biogaz pour l’injecter massivement dans le réseau de gaz naturel. De même, publiée par le Ministère de la transition écologique en 2015, la Loi sur la transition écologique pour la croissance verte (LTECV) a pour objectif d’atteindre un niveau de production de 32 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 dans le mix énergétique total du territoire. Ainsi, 10% du gaz devra être issu d’une production à partir d’énergies renouvelables.

De même, dans le cadre du “Pacte vert”, la Commission Européenne précise qu’il faut développer considérablement les énergies renouvelables et décarboner le gaz afin d’atteindre un objectif zéro carbone d’ici 2050. Le biogaz fait partie des leviers pour une telle transition.


Rural, périurbain et urbain, une énergie sous plusieurs formes

Exploitations agricoles et biogaz, autonomie énergétique et valorisation des déchets

Selon GRDF, 80% de la production de biométhane provient des agriculteurs. En effet, en prenant en compte uniquement les effluents d’élevage, les résidus de culture et les cultures intermédiaires, le gisement mobilisable est évalué à 100 millions de tonnes d’effluents d’élevage, 13,4 millions de tonnes de résidus de cultures et 13,6 millions de tonnes de cultures intermédiaires selon l’ADEME.

En plus de présenter une réelle opportunité pour les agriculteurs dans la gestion des déchets, le biogaz peut également être source de nouveaux revenus s’il est injecté dans le réseau de gaz naturel ou revendu sous forme d’électricité aux fournisseurs d’énergies. Le biogaz issu du méthaniseur peut également être utilisé directement sur site afin de chauffer les serres de maraîchage à proximité et d’alimenter les fermes, les élevages et les habitations en électricité. 

Industries en zone périurbaine et biogaz, valorisation des énergies fatales au service du territoire

La zone périurbaine, ceinture des villes, concentre les principales industries, usines de stockage, usines de traitement des déchets et des eaux. En 2016, la part de la production d’électricité issue de déchets était de 68% pour les installations de stockage des déchets non dangereux (ISDND) et de 6% dans les stations d’épurations (STEP).

Les ISDND produisent donc du biogaz à partir du stockage des déchets. Le captage de ce gaz représente un potentiel significatif pour la production d’énergies renouvelables sur le territoire. Intégrer un système de valorisation du biogaz en biométhane représente également un réel avantage pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à cette industrie. 

De même, les stations d’épuration peuvent valoriser leurs “boues” et injecter le biométhane produit dans le réseau gazier du territoire. Une telle activité dans 12 STEP permettrait de chauffer environ 24 000 foyers et de réduire de 30 000 tonnes les émissions de CO2 liées à l’usage du gaz naturel.

Exemple : ISDND de Lapouyade en Nouvelle-Aquitaine

L’installation ISDND à Lapouyade en Nouvelle Aquitaine produit de l’électricité et de la chaleur par cogénération grâce au biogaz qu’elle produit. L’énergie électrique est revendue à EDF qui la distribue sur son réseau. Quant à la chaleur produite, elle permet de chauffer les serres de tomates à proximité mais aussi de faire tourner des turbines pour garantir l’autonomie en électricité du site.

Ville et biogaz, vers une logique circulaire et locale de la gestion des déchets ?

Zones denses et très peuplées, les villes représentent un gisement de déchets ménagers et de restauration très importants. Ces résidus sont traités et stockés principalement en zone périurbaine dans des usines plus ou moins éloignées.  Cette disposition des usines éloignées des villes implique actuellement une collecte et un acheminement polluant des déchets par flotte de camions roulant la majeure partie du temps au diesel. 

Exemple : ECOCEA, usine de méthanisation urbaine en Saône-et-Loire

ECOCEA est un exemple d’usine de méthanisation installée dans la périphérie de Chagny en Saône-et-Loire. L’infrastructure stocke 300 tonnes de déchets ménagers par jour et les transforme en biogaz pour alimenter en électricité les sites alentour.

Dans ce cadre, la “micro-méthanisation” apparaît comme une solution pour les villes. Ces petites usines productrices d’énergies, nécessitent peu d’espace et permettent de valoriser localement les déchets des quartiers. Déjà utilisées sur certaines exploitations agricoles, ces méthaniseurs alimentent des chaudières et des systèmes de cogénération pour produire chaleur et électricité localement. 

Exemple : BioBeeBox, micro-méthaniseur urbain

La BioBeeBox, est un exemple de concept de méthaniseur conteneur nécessitant un espace d’installation de deux places de parkings pour 80 tonnes de déchets transformés en énergie et en compost. Ces micro-usines sont encore à l’état de prototype. Un démonstrateur de la BioBeebox est installé à Bordeaux sur le Marché d’Intérêt National depuis janvier 2018 et a déjà valorisé 32 tonnes de déchets pour produire du compost et du biogaz.

Territoires ruraux, périurbains et urbains, des usages du biogaz différents et complémentaires

Le biogaz présente donc de nombreuses opportunités pour créer des synergies entre les territoires. Gestion des déchets, production d’énergies renouvelables et limitation des gaz à effet de serre liés à la production de gaz sont les principales opportunités qu’offre le biogaz. 

Pour aller plus loin : PÔLES, FILIÈRES, INNOVATION, FORMATION : QUELLES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL ET D’ATTRACTIVITÉ ENVISAGER ?

Pour maximiser l’efficacité du système, l’usine de production doit être bien reliée aux réseaux et implantée à proximité d’un gisement de déchets.

Exemple : Biocarburant, nouvelle énergie d’avenir pour les véhicules ?

La loi d’Orientation des Mobilités prévoit l’interdiction de la vente de véhicules circulant aux énergies fossiles carbonées en 2040 afin de réduire considérablement les émissions de CO2 liées aux transports. Le bioGNV est un carburant produit à partir de biométhane. Il permet d’alimenter des voitures, des bus et même des flottes de camions. D’après un rapport de GRDF – GRT Gaz, ce bioGNV émet 82% de CO2 en moins par rapport au diesel. C’est dans ce cadre que la RATP a pour objectif d’ici 2050 de posséder un parc de bus “propres” roulant pour un tiers au gaz vert.


Méthanisation, déchets et territoire : un équilibre à trouver

Méthanisation, digestat et controverses

Bien que l’expansion de la filière du biogaz soit soutenue par le Ministère de la transition écologique, l’installation de méthaniseurs divise. Problèmes d’odeurs, de bruits, nécessité de passage de camions, et doutes sur les réelles émissions liées à la production du biogaz, le gaz vert est sujet à controverses.

Un autre produit résultant de la méthanisation est le digestat. Cette substance liquide riche en nitrate peut être utilisée à des fins d’épandage sur les terres agricoles. Connu pour être un engrais vert, il présente un réel atout pour les exploitants agricoles bénéficiant d’une usine de méthanisation à proximité.

Cependant toutes les parties prenantes de la filière de méthanisation ne sont pas en accord sur les réels avantages pour la qualité des sols de ce produit “vert”. En effet, sa forte teneur en nitrate peut avoir un effet néfaste sur la qualité des sols. Les types d’intrants dans le méthaniseur qui ne sont pas contrôlés, sont également source de controverses puisqu’ils comprennent de nombreuses bactéries pouvant s’infiltrer dans les sols et nappes phréatiques.

Méthanisation et effet de serre, un procédé éco-responsable ?

Le processus de méthanisation permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) liés à la production d’énergie. Selon GRTGaz, “le contenu carbone du biométhane est ainsi environ 10 fois inférieur à celui du gaz naturel, et comparable aux énergies renouvelables électriques et thermiques ».

En revanche, une inquiétude persiste quant aux risques de pollution face aux fuites de méthane du digesteur. En effet, le méthane serait 28 fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone émis pour la production d’énergies fossiles. Cela est un réel risque sachant que le taux de fuite des méthaniseurs est difficilement contrôlable, certaines estimations les situent entre 0 et 10 %.

Alimenter les unités de méthanisation ou les populations ?

Des tarifs d’achat fixe sur 15 ans pour le biométhane et de nombreuses subventions proposées dans le cadre de projets d’unités de méthanisation incitent largement les agriculteurs à s’orienter vers la production de biogaz. La méthanisation présente alors un risque sur l’augmentation du nombre de cultures dédiées au biogaz, déclinant dans le même mouvement celles dédiées à l’alimentation des populations.

A l’heure actuelle la réglementation précise que seulement 15% des cultures principales peuvent approvisionner le méthaniseur. Néanmoins, il est possible de remarquer une augmentation du nombre de cultures intermédiaires, de maïs notamment, ayant une forte rentabilité en énergie.  La rentabilisation des micro-méthaniseurs pousse donc à une “course aux intrants”. Les producteurs cherchent dans cette dynamique à s’approvisionner constamment en déchets,  de manières plus ou moins éco-responsables. 

Production de biogaz et voisinage, un binôme gagnant ?

Des plaintes liées à l’installation de méthaniseurs près des habitations sont régulièrement recensées. Le voisinage subit des bruits, des odeurs et une pollution visuelle liés aux usines de méthanisation. La question du passage de plus en plus de camions acheminant les déchets en zone rurale vers des unités de méthanisation pose également question sur la pollution liée à ces transports.

Pour aller plus loin : UN APPEL À L’ACTION ÉCOLOGIQUE : LE GUIDE ADEME “DEMAIN MON TERRITOIRE”

Biogaz agile, biogaz utile

Le biogaz est donc une opportunité pour une économie circulaire vertueuse dans certains territoires. Il permet une production d’énergies renouvelables locales complémentaires aux autres énergies, mais aussi de la création de valeur et d’emplois non délocalisables en particulier pour les agriculteurs. L’écosystème Biogaz est aujourd’hui mobilisé pour bâtir des synergies entre acteurs des différents territoires pour résoudre les enjeux de la filière et la pérenniser au profit de toutes les parties prenantes.

Le procédé est néanmoins controversé, avec des limites réelles en zone habitée et un impact sur l’environnement à surveiller. 

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