Croissance urbaine durable : créer, rénover, densifier
Face à la pression de la croissance urbaine, quelles stratégies durables peuvent être adoptées pour accompagner les territoires ?
Temps de lecture : 3 min – 8 Octobre 2020 – L’équipe de LaVilleE+

La consommation de l’espace par l’urbain ne cesse de croître. Cet étalement urbain fragilise notamment les terres agricoles. Développer des formes de croissance urbaine plus durables est à l’ordre du jour. Entre rénovation du bâti existant et densification des espaces urbains, plusieurs initiatives sont menées pour tendre vers une zéro artificialisation des sols et une optimisation de l’espace. Réhabilitation de friches et de voiries, surévaluation des immeubles, projet BIMBY, ce sont tant de projets qui modifient la morphologie urbaine et ses dynamiques.
Créer : l’étalement urbain en question
Une réponse à la croissance urbaine
La ville est un territoire attractif qui ne cesse de se développer. 80% de la population est urbaine en France et cela ne cesse d’augmenter [source]. A l’échelle mondiale, plus de 1 personne sur 2 vit en ville aujourd’hui. En 2050, les prévisions estiment que plus de 68% de la population sur Terre sera urbaine.
La consommation de l’espace suit cette tendance. Les espaces urbains s’étendent sur une aire toujours plus grande, transformant les relations spatiales et sociales existantes.
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L’appétence des populations pour des espaces de résidence à faible densité mais aussi les infrastructures connectant les centres aux périphéries – notamment en voiture – sont les principaux facteurs de l’étalement urbain. Cette expansion pose la question de la bonne cohésion et de la complémentarité avec le reste du territoire.
La frange urbaine
La frange urbaine, espace tampon entre l’urbain et le rural, est un territoire particulier. En constante évolution, ce territoire particulier est plus ou moins gradué.
Il peut aussi être considéré comme une frontière, parfois matérialisée par une ceinture verte, qui marque la fin de l’espace urbain. Cette frange offre dans cette perspective un cadre de vie privilégié avec des espaces verts récréatifs, tout en protégeant le foncier sain de pleine terre. Préserver les terres agricoles est essentiel pour l’équilibre des territoires. La réduction voire l’arrêt de l’artificialisation des sols est un moyen de sécuriser l’agriculture et de tendre vers une meilleure résilience alimentaire.
Cette frange peut néanmoins être plus perméable, laissant l’étalement urbain croître, réduisant la distance entre les terres agricoles et les zones urbaines pavillonnaires. Un développement maîtrisé permet de construire une armature solide entre ces deux espaces, afin de créer des dynamiques vertueuses et respectueuses.
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Définir le rôle et usages de l’urbain et du rural permet d’établir une frange adaptée qui relie les espaces tout en les protégeant. Cette synergie créée permet d’enrichir la ville de la nature et de faire de cette frontière un lien entre les territoires. Le tissu territorial est donc considéré comme un tout, et non plus deux espaces qui s’opposent. Le PLUi, Plan local d’urbanisme intercommunal, et les SCoT, Schéma de Cohérence Territoriale, sont des bases pour engager un aménagement durable, notamment en s’appuyant sur une logique ERC, Eviter-Réduire-Compenser.
Exemple : Schéma de cohérence territoriale (SCoT) en Plaine du Roussillon
En région Occitanie, l’AURCA (Agence d’urbanisme catalane) ainsi que les Communautés de communes des Aspres, Roussillon Conflent, Sud Roussillon et la Communauté Urbaine Perpignan Méditerranée ont mis en valeur les franges urbaines de leur aire dans un objectif de développement durable. Cette stratégie s’appuie sur 3 dynamiques :
– Concilier accueil de nouvelles populations et qualité de vie
– Replacer l’environnement au cœur des pratiques
– Protéger et valoriser les espaces et activités agricoles, garants des équilibres territoriaux
Dans son rapport, l’AURCA met en perspective le fait que “le SCoT fait le choix de préserver les espaces agricoles, boisés et naturels, de favoriser la densification des espaces déjà urbanisés, de limiter les extensions urbaines.”
source
Rénover, réhabiliter, requalifier : optimisation du monde urbain
Un renouvellement du bâti existant, s’appuyer sur l’histoire pour penser le futur
Dans une logique de zéro artificialisation nette des sols, le renouvellement du bâti est une opportunité. Cette démarche portant la rénovation, la réhabilitation et la requalification en son cœur, consiste à explorer l’espace urbain déjà existant et l’optimiser.
Trouver un équilibre entre minéralité et nature est l’enjeu principal de cette stratégie afin d’assurer un cadre de vie agréable pour tous. La ville est considérée non pas comme une entité figée mais comme un territoire en mouvement permanent, aux usages changeants. Dans ce cadre, le parvis d’un immeuble est utilisé pour accueillir des employés mais aussi pour installer un marché à l’ombre, une salle de danse à ciel ouvert en se servant des façades vitrées, etc.
L’urbain et les espaces sont repensés, optimisés et surtout intégrés dans un territoire et des dynamiques plus globales, repensant l’usage primaire de chaque élément. Cette stratégie permet d’agréger l’utilité des unités urbaines afin d’assurer une cohésion et harmonie territoriale.
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Exemple : D’autoroutes à jardins, le cas de la Skygarden Seoullo 7017 en Corée du Sud
Dans cette dynamique d’exploration et de mise en valeur de l’urbain existant, la ville de Séoul en Corée du Sud a réhabilité une ancienne autoroute en parc. Cette promenade, ouverte en 2017, est à la fois un lieu récréatif et pédagogique mettant la nature en valeur. C’est un îlot de fraîcheur au centre de la capitale Sud Coréenne. Il permet à la fois de dynamiser la ville et ses activités socio-culturelles mais aussi de décongestionner les routes.
La friche, une réelle opportunité pour les villes ?
Dans cette rénovation et réhabilitation de l’urbain, une forme urbaine se démarque : la friche urbaine. Ce lieu à l’abandon constitue une opportunité pour les villes de revalorisation du foncier. Ces lieux emblématiques peuvent être requalifiés pour dynamiser le territoire et optimiser son maillage. En plus de densifier le tissu urbain, la réhabilitation de friches peut permettre d’expérimenter des projets inspirés de l’urbanisme transitoire afin de tester différentes initiatives à petite échelle.
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Les friches, qu’elles soient industrielles, commerciales, ferroviaires ou militaires, peuvent donc constituer un socle de base pour une politique de renouvellement du bâti. Souvent visibles et emblématiques, ces lieux permettent de développer de nouvelles activités et dynamiques, qu’elles soient économiques, socio-culturelles, artistiques, locatives ou d’habitat solidaire.
Exemple : La Caserne Niel à Bordeaux
Sur la rive droite de Bordeaux, l’ancienne Caserne Niel a été transformée en éco-quartier. Elle est devenue aujourd’hui un lieu emblématique et attractif de la ville. La friche de plus de 3 hectares accueille le projet Darwin, un écosystème d’acteurs travaillant dans le sens du développement durable et de la transition urbaine. On y trouve un espace de coworking, un incubateur de start-up, un restaurant, une épicerie biologique, des espaces associatifs, des skate parcs, des lieux d’exposition, des fermes urbaines, des logements, etc. 230 entreprises y sont installées et 500 000 visiteurs fréquentent le site chaque année. Un réel catalyseur pour l’attractivité de la rive droite bordelaise.
Densifier : construire la ville sur la ville
Verticalité et horizontalité, densification des formes urbaines
Un moyen pour répondre à la croissance urbaine durable et limiter sa consommation d’espace est la densification. Construire la ville sur la ville, que ce soit verticalement ou horizontalement, permet de concentrer les flux sur une zone restreinte et donc d’optimiser le territoire. Plusieurs méthodes sont développées pour lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, afin de répondre aux objectifs fixés par le gouvernement et l’Union Européenne.
« Notre objectif consiste à supprimer, d’ici à 2050, toute augmentation nette de la surface de terres occupée par le logement, l’industrie, les infrastructures routières ou les loisirs »
Commission Européenne (2011) [source]
Exemple : Le BIMBY, Build in my backyard
Le modèle de BIMBY, Build in my backyard, c’est-à-dire littéralement “construire dans mon jardin” propose de repenser les dynamiques d’étalement urbain et de développement des quartiers pavillonnaires. Il s’agit de densifier ces zones prisées, en construisant de nouvelles habitations dans les zones non exploitées des propriétés présentes – leur jardin. Cette forme de renouvellement urbain, mobilisant l’initiative privée, permet de rendre plus accessible les logements individuels et ainsi de résoudre collectivement la crise du logement.
Exemple : Les toitures, nouvel horizon des villes ?
Face aux conséquences néfastes de l’étalement urbain, l’utilisation des toits est une solution de densification. La surélévation est un moyen efficace d’optimiser les espaces existants à toutes les échelles – maison, immeuble, infrastructure, etc. Ces structures légères, adaptables à leur environnement ne dénaturent pas l’urbain existant. Ces greffes urbaines permettent de construire des logements neufs, idéalement éco-responsables, sur d’anciens bâtiments et ainsi créer de nouvelles synergies sur le territoire. Néanmoins, la conquête de ce nouveau foncier aérien privilégié doit être surveillée car son coût étant assez élevé, ce mode de densification peut créer des formes de ségrégation.
Densité ne rime pas avec exiguïté
Bien que la densification puisse être liée à une saturation des villes, cette stratégie se doit d’être raisonnée. Il s’agit de développer un maillage intelligent, de créer un territoire qui donne envie et où l’on se sente bien. Dans le cadre d’une densification contrôlée, les espaces se veulent dynamiques, revalorisant les activités de proximité. La densité heureuse est le contraire de la congestion et de l’exiguïté. La perspective “confort été 2050” permet de concevoir ce territoire équilibré, mêlant attractivité, nature et minéralité.
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Exemple : Les cours OASIS
Cette initiative consiste à “dé-bitumer” les cours d’écoles. Cela permet à la fois de créer des îlots de fraîcheur en ville mais aussi de sensibiliser les enfants à la nature. Ce projet intègre une dimension environnementale mais aussi sociale et pédagogique. A Paris, près de 760 écoles et collèges ont mis en place cette mutation, permettant à tous les enfants d’accéder à des espaces verts de qualité.
Des architectes se prêtent déjà au jeu et imaginent ce à quoi la ville dense de demain pourrait ressembler. C’est le cas d’Olivier Dain Belmont qui travaille sur des plans de permacités dans une réflexion sur l’utopie urbaine.