Espaces urbains, espaces publics : lieux de vie de tous les possibles

Quelle est l’importance des espaces publics ? Quelles sont les opportunités liées à une meilleure appropriation de ces espaces communs ?

Temps de lecture :  4 min – 26 octobre 2020 – actualisé le 17 novembre 2021- L’équipe de LaVilleE+


photo d'un parc vu du ciel avec de la verdure et une placette où se trouve deux personnes assises
Les espaces publics sont partout : rues, voiries, trottoirs, parcs, jardins, squares, agoras, salles polyvalentes, parkings ou forêts. Lieux de circulation pour certains, lieux de rencontre et de flânerie pour d’autres, ces espaces sont au centre de nos vies urbaines. Accueillant des usages multiples, parfois conflictuels, la reconquête de ces lieux par les parties prenantes de tous bords est une opportunité pour retisser des liens, favoriser l’entre-aide, inviter à l’échange ou encore créer des oeuvres ou des solutions. Lieu de co-création par excellence, laboratoire vivant du vivre ensemble, ces espaces incarnent à leur manière le renouveau de nos villes.

Morphologie de l’espace urbain public

De façade à façade, un espace commun partagé

Les espaces urbains et publics sont l’ossature des territoires. Ils sont destinés à l’usage de tous. Leur fonction est plurielle, allant de la circulation, au rassemblement à l’usage festif. Ils sont donc appropriés par différentes parties prenantes. Ces lieux mixtes permettent, dans ce sens, la vie urbaine, facilitant les échanges sociaux, culturels, politiques, générationnels et commerciaux. 

L’espace public c’est l’espace de la démocratie, de la pluralité des discours et des usages. C’est un espace qui doit être conflictuel.

Pascal Le Brun Cordier, directeur des zones artistiques temporaires de Montpellier

L’exploration des usages de cet espace est quasi-infinie. Les différentes appropriations permettent que ce lieu commun s’exprime pleinement, permettant la diversité des usages du territoire mais aussi de développer leur complémentarité et leurs échanges. Par exemple, alors qu’à Paris, la moitié de l’espace public est réservé à l’automobile, la question de la réappropriation de cet espace se pose. Les récentes initiatives en faveur du vélo, du pieton ou encore des élèves initient une forme de reconquête, plus humaine, moins « mécanique »…

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Le trottoir, lieu de tous les possibles

L’espace public est multiple. Avenue, route, jardin, square, ce sont autant de lieux urbains qui peuvent porter le nom d’espaces publics. Ce sont tous des espaces ouverts et sans restriction d’accès. Le trottoir est un des espaces publics les plus dynamiques en termes d’échanges et de représentativités.

Dépassant une conception technique et fonctionnelle, le trottoir est un espace social omniprésent des territoires, accueillant de multiples activités de différentes natures : circulation des individus, terrasses, ventes, flânerie, activités informelles, etc. On peut le considérer comme la clé du “bien vivre-ensemble”. Rendre l’espace public aux piétons et aux mobilités douces, l’apaiser, le verdir et surtout réduire la place de la voiture semblent être des pistes pour une urbanité renouvelée.

Il s’agit de revoir la conception de cet espace banalisé qui est bien plus qu’un lieu de circulation séparant les bâtiments des routes. C’est un lieu de rencontre, d’échanges et de multiples autres possibilités.

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Exemple : Quelle est cette herbe qui pousse sur mon trottoir ?

A Toulouse, deux botanistes du Muséum de Toulouse se promènent régulièrement dans les rues pour effectuer un inventaire de la flore sauvage dans le centre-ville. Ils notent à la craie sur le trottoir le nom des plantes rencontrées. Cette action ludique et pédagogique permet de rendre cet espace plus interactif et de partager la connaissance… l’inutile devient inspirant et sensibilise les passants à la biodiversité présente dans la ville rose. Cette action est aussi présente à Nantes avec le projet Belles de bitume.


Occupation et appropriation de l’espace public

Un espace hybride entre public et privé

L’espace public est lieu, par définition, où toutes les parties prenantes peuvent s’exprimer, dont notamment des services privés. C’est un lieu hybride où le secteur public évolue en même temps que les activités privées, citoyennes ou associatives, et parfois en partenariat. Le cas de l’arrivée des trottinettes en est l’exemple. Ces véhicules ont “envahi” l’espace public des grandes villes, la route et les trottoirs, engendrant des conflits d’usages dans un espace ne disposant pas d’infrastructures ni de la législation adéquate. Néanmoins, l’intervention de services privés n’est pas forcément conflictuelle. L’usage de l’espace public pour dispenser des cours de sports ouvert à tous et gratuit devient de plus en plus commun. Les associations organisant ces manifestations promettent tant une bonne hygiène de vie qu’un moment convivial. 

Les structures modulaires installées lors d’événements sportifs, culturels et artistiques sont symboliques de la cohabitation existante dans les espaces publics. Présents pour une durée plus ou moins longue, ces infrastructures modifient le paysage urbain et ses usages, offrant de nouvelles opportunités d’appropriation, que ce soit à des fins sociales ou économiques. Les marchés de Noël sont un exemple de cette malléabilité. Ils réunissent les gens dans un décor temporaire, catalysant les échanges sociaux mais aussi proposant des activités commerciales et artisanales. Les expositions temporaires permettent aussi d’accentuer l’interactivité d’un espace tout en appuyant l’historicité du lieu.

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 L’appropriation en question

L’espace public est ouvert aux citoyens. Cet espace est un réel lieu de création de liens sociaux. L’appropriation de ces espaces permet de valoriser les lieux et leurs dynamismes afin qu’il ne reste pas seulement une zone de circulation mais un réel endroit de vie. On peut penser aux différents festivals et événements qui ont lieu dans ce dernier comme Paris Plage, mais aussi la fête du Fleuve à Bordeaux par exemple.

De même, le développement de “nudges” dans les espaces publics permet de rendre le territoire plus ludique, tout en poussant à adapter de bons comportements. Voter grâce à des mégots de cigarettes ou encore jouer au basketball avec nos déchets sont des exemples de nudges utilisés couramment. Ils permettent de mieux s’approprier l’espace en rendant un geste quotidien – jeter quelque chose à la poubelle – ludique et agréable. 

L’espace public peut être considéré comme un catalyseur du bien-vivre d’un territoire, si ce n’est son incarnation. L’enjeu est donc de veiller au bon déroulement des usages de ces espaces afin que ces derniers ne soient pas des facteurs d’exclusion.

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“Qui lit ce livre ouvert ? Qui parcourt cette écriture ? Ce n’est pas un sujet bien défini et cependant une succession d’actes et de rencontres constitue sur ce plan lui-même la vie urbaine, ou l’urbain”

Henri Lefebvre à propos l’urbanisme dans Le Droit à la Ville 

En effet, l’espace public n’est pas un espace neutre. Il définit ce qu’est et sera la vie urbaine d’un territoire. Son appropriation mais aussi sa remise en question en fait un lieu mouvant, qui représente le territoire mais aussi ses dérives.

Exemple : Place de la République à Paris, piétons et sports urbains texte

Le plan de réaménagement de la Place de la République à Paris en 2013 a été conçu pour accueillir à la fois les activités piétonnes mais aussi les sports urbains, demandeurs d’espaces appropriables dans la capitale française. Cette place incarne donc la mixité d’usages propre à un espace public “ouvert”. Les skateurs, en plus des modules installés pour la pratique de leur sport, ne cessent de réinventer l’usage de cette place en s’appropriant l’intégralité du mobilier urbain présent – bancs, caniveaux, dalles, poteaux, etc. 


Voir plus loin que les trottoirs et la route, les nouveaux espaces urbains

Dépasser la frontière de la façade

Concevoir l’espace public au-delà d’un espace entre 2 façades permet d’ouvrir le champ des possibles en termes d’appropriation de l’espace, de penser dans son entièreté le territoire et ses dynamiques. L’espace public ne correspond pas seulement à ce qui n’est pas bâti ou non fonctionnel. Il s’agit de dépasser cette vision et d’explorer la ville et ses opportunités. L’étalement des terrasses de restaurants ou de café sur les voiries en est l’exemple. Les activités de restauration “concurrencent” l’usage de la voiture et de son utilisation de l’espace public exclusif. Les tables repoussent les frontières “rigides” des routes et en font un lieu de vie citoyen et festif.

C’est pourquoi, plus que de connecter les différents bâtis, l’espace public doit être pensé comme un espace mutable au fil des saisons ou de la semaine, un connecteur pour la biodiversité, la création, les échanges et les mobilités. Reconquérir les espaces publics, visibles ou discrets, officiels ou informels, est un réel enjeu à l’heure des réflexions sur la densité et la qualité de vie en ville. Cela représente une opportunité. L’appropriation des espaces publics en coeur de ville comme dans les faubourgs stimule la vie de quartier. De simple lieux de passage et de croisement, on passe alors à des espaces de lien et de convivialité, énergisants, ressourçants ou encore créatifs.

Exemple : Seoul City Hall, espaces publics couverts

Le récent Hôtel de ville de Séoul n’est pas seulement un lieu accueillant des fonctions administratives et politiques. Le lieu a été conçu comme un espace public ouvert à tous, une agora couverte. Sur les différents étages, on y trouve des activités culturelles et artistiques ainsi que plusieurs lieux de détente et de repos. Les habitants peuvent y venir se détendre, lire un livre, se rencontrer ou travailler. 

Découvrir le territoire dans son sens large, explorer les cours intérieurs, les intérieurs d’immeubles, les halls, les impasses et les espaces occupés est donc nécessaire pour (re)vitaliser les territoires. Dans cette recherche, il est même possible de se demander si pour être d’usage public, l’espace doit être forcément public. Les “private owned public spaces” existent et se développent, différenciant l’usage et la propriété. Ce sont des territoires privés ouverts, ayant une fonction publique. Ils peuvent être des parcs, des terrasses, des places et même des trottoirs. Cette pratique est fréquente dans des villes comme New York, San Francisco, Seattle mais aussi Auckland, Séoul et Toronto. 

Prendre de la hauteur

Il est aussi possible d’explorer une autre forme de l’espace public en regardant en hauteur : le foncier aérien. Les toitures sont un espace privilégié qui, bien connectées et visibles, représentent un potentiel d’appropriations variées. C’est un prolongement de la ville, qui peut permettre d’éviter les congestions terrestres et de découvrir un nouvel horizon, même si aujourd’hui de tels projets doivent suivre de nombreuses normes de gestion, de fonctionnement et de sécurité.

Exemple : Escalier géant à Rotterdam

En 2016, pour célébrer les 75 ans de la reconstruction de Rotterdam, un escalier géant de 29 mètres a été installé temporairement sur la place de la gare centrale de la ville pour accéder au toit d’un bâtiment d’après-guerre, le Groot Handelsgebouw. En plus d’avoir pu accéder à un point de vue unique sur la ville, les nombreux visiteurs ont pu profiter d’un cinéma et d’un bar construit exceptionnellement sur le toit. 

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Plusieurs urbanistes et architectes envisagent dans ce sens de concevoir les espaces publics en trois dimensions, jouant sur la superposition des espaces pour densifier les activités. L’objectif est de multiplier les “peaux urbaines”. Le quartier de De Citadel au Pays Bas reprend ce principe d’organisation. Il est constitué de différentes couches urbaines dédiées à un usage particulier : une peau pour les piétons, une pour les voitures et une pour la végétation. 

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