LA VILLE DU ¼ D’HEURE ET LE TERRITOIRE DE LA ½ HEURE, LA NOUVELLE EUTOPIE QUI POURRAIT RÉPONDRE AUX DÉFIS URBAINS D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN

Comment la forme urbaine de ville du ¼ d’heure compte répondre aux triples défis écologique, économique et social d’aujourd’hui et de demain ? Quelle est la place des proximités dans cette « smart city des rythmes urbains » et comment restructurent-elles nos territoires ?

*eutopie : « le lieu du bon »

Temps de lecture :  4 min – 17 novembre 2021 – L’équipe de LaVilleE+


femme café temps de pause
Fantasme ? Concept de bobo ? Utopie ? Théorisée par Carlos Moreno, le concept de la ville du ¼ d’heure et du territoire de la 1/2 heure se développe et fait parler. Les formes de ville de proximité se développent partout dans le monde, se voulant incarner la nouvelle eutopie. A Barcelonne, Paris et dans de nombreux territoires, les formes et les rythmes des territoires se réinventent pour créer un socle commun, basé sur les liens sociaux forts et des fonctions urbaines de proximité. Le quartier et les communautés locales sont ainsi dans ce modèle les nouvelles unités de référence. C’est donc un vivre-ensemble et des dynamiques locales à retrouver, réinventer et restructurer pour répondre aux triples défis écologique, économique et social d’aujourd’hui.

LA NOUVELLE EUTOPIE DE L’URBANISME, LA VILLE DU ¼ D’HEURE

Ville du ¼ d’heure et chrono-urbanisme, vers la « smart city » des rythmes urbains

« Métro-boulot-dodo », c’est comment le poète Pierre Béarn décrit la vie des parisiennes et parisiens et remet en question le rythme monotone des habitants de la capitale. Voici les premières bases du chrono-urbanisme qui aboutira sur le concept de ville du ¼ d’heure et de territoire de la ½ heure. Les rythmes des territoires sont, dans ce modèle, au cœur des réflexions et du travail de remodelage urbain.

En effet, ces modèles de ville consistent à permettre aux habitants d’un territoire donné d’avoir accès à pied, vélo ou autres mobilités douces, en 15 minutes pour les villes, et 30 minutes pour les territoires plus étalés, aux 6 fonctions principales de la ville. Ces « besoins primaires » sont : habiter, travailler, s’approvisionner, se soigner (ou être en forme), s’éduquer (ou apprendre) et s’épanouir. Cette forme de smart city, ne se basant pas sur un solutionnisme technologique mais sur le simple rythme de la ville, séduit de plus en plus à travers le monde.

Carlos Moreno a démocratisé ce nouveau format urbain lors de la COP21 et de la campagne municipale, à Paris en 2020. Pour lui, ce modèle permet de proposer des solutions au triple défi écologique, économique et social de la ville de demain.

 Interroger les rythmes urbains existants pour des villes plus heureuses

Fini l’utopie impossible à atteindre, nous pourrions parler ici d’eutopie. Ce terme désigne le « pays où l’on est bien ». La ville du ¼ d’heure se veut être ce nouveau cap de qualité de vie et densité heureuse.

Pour être bien, cette forme urbaine et sociale qu’est la ville du ¼ d’heure interroge l’organisation existante du territoire. Pourquoi nous déplaçons nous autant ? A quoi servent tous ces mètres carrés de bureaux ? Pourquoi un espace n’accueille qu’un seul et unique usage ? Pourquoi aller faire ses courses en dehors de la ville et non chez le commerçant de quartier dans une métropole ou du coeur de ville dans une ville moyenne?

Il s’agit de comprendre et déconstruire ces différentes dynamiques pour les relocaliser, les recentrer dans ce fameux radius des usages accessibles en 15 minutes.

Paris, la recherche de proximité au cœur des politiques de la ville

Paris a pris le parti d’être la figure de proue de cette ville des proximités. D’autres villes commencent déjà à s’engager dans ce sens, notamment au sein du C40, pour créer ensemble, un modèle plus résilient basée sur des communautés citoyennes.

Le modèle parisien compte s’appuyer sur ses infrastructures déjà existantes, du fait de la forte densité du territoire. « Repenser l’utilisation des équipements » est au cœur de la stratégie de la ville, en mettant l’école au cœur de ce nouveau modèle. Cette dernière est même nommée « capitale du quartier » dans les programmes mis en place. Kiosques citoyens, mutualisation d’espaces, activités hors les murs, soutiens aux commerces de proximité et bien-sûr plus grande utilisation du vélo, voilà les clés du modèle parisien de la ville des proximités.

La mise en place et la déclinaison de cette forme urbaine se veut progressive en prenant notamment en compte les déséquilibrages entre est et ouest parisien. Il s’agit donc de ne pas seulement suivre un plan précis mais bien d’injecter cette notion dans toutes les politiques et travaux du territoire.

Cependant, il faut bien noter que les rythmes et les types de proximités ne sont pas les mêmes à travers les territoires. Chaque ville et chaque communauté ont leur propre identité et ADN. Il n’y a pas un modèle de ville du ¼ d’heure ou de territoire de la 1/2 heure, il s’agit de s’inspirer des différentes dynamiques déjà mises en place pour former une maille et un tissu appropriés aux particularités de chaque territoire.

FINI LA VILLE-MONDE OU LA VILLE CENTRE, EN ROUTE VERS LA PROXIMITE ?

Le quartier, prochaine unité urbaine de référence ?

Changer les rythmes et dynamiques urbaines est au cœur du principe de ville du ¼ d’heure. Cela signifie repenser les unités de références, et d’explorer de nouvelles échelles. Dans un territoire des proximités, la métropole, la ville ou l’arrondissement ne sont pas les seuls échelles de réflexion. C’est bien au niveau du quartier que le travail de redéveloppement de l’offre de proximité doit commencer et exceller pour proposer un maximum de fonctions urbaines de base dès cette échelle.

Pour relever ce défi, il s’agit de créer un « quartier complet » favorisant autant que possible la mixité programmatique et l’optimisation des usages. Pour cela, dans la lignée de la réflexion du chrono-urbanisme, il s’agit de penser à densifier le territoire – sans le saturer, bien-sûr. Pour cela, la mutualisation des espaces semble être un levier majeur. Ces usages partagés et publics peuvent, par exemple, être illustrés par le concept de cours oasis. Il s’agit ici de penser les cours d’école non plus comme un simple espace utilisé lors des journées scolaires pour la récréation des enfants, mais comme un lieu ouvert à tous hors des horaires scolaires qui permet à la fois d’accueillir des activités physiques, des rencontres, le tout dans un îlot de fraîcheur.

Barcelone, les « supermanzana » comme nouvelles cellules urbaines

Barcelone est une des villes pionnières en termes de proximité. C’est en 2011 lors d’un changement de structure d’organisation administrative que la ville espagnole a mis en place une nouvelle unité urbaine, la supermanzana. Cette cellule d’environ 400m sur 400m, c’est-à-dire un regroupe de 9 blocs, propose une réorientation du quartier vers l’individu. L’intérieur de ce supermanzana est donc désormais au service des riverains et non plus au service de la mobilité globale de la ville. Au cœur des ces blocs, adieu les voies rapides et les bouchons, ce sont désormais des espaces végétalisés, des commerces de proximité et des piétons qui se sont appropriés le quartier. La qualité de vie et la cohésion sociale s’en voient donc améliorées.

Ces petites villes permettent donc de repenser l’organisation des villes en créant un écosystème délimité dans l’espace, où les dynamiques métropolitaines (dont la circulation) sont situées en périphérie. Très facile à mettre en place, cette structure permet même de valoriser la pluralité des activités et des identités dans les quartiers, en créant de véritables cocons en plein Barcelone.

Plus qu’un changement de forme urbaine, la proximité heureuse est plutôt une forme d’art de vivre local à retrouver, à une échelle plus humaine, pour améliorer notre qualité de vie en ville

Nous avons ressenti l’importance du principe de proximité dans nos territoires au travers des différentes crises récentes comme les Gillets Jaunes ou la crise sanitaire de la covid-19. La demande de proximité a été très présente dans la campagne des élections municipales 2020, avec une envie de circuits-courts, de densité heureuse, de réintroduction d’espaces naturels en ville ou encore de rapprochement des services publics. Forts de ces expériences, de nombreux territoires cherchent à réorienter l’aménagement et l’organisation de l’espace urbain. Dépasser le concept et entrer réellement dans la ville des proximités n’est pas chose aisée à l’échelle d’un mandat.

Ne plus penser en termes d’hyper mobilité mais hyper proximité demande des changements et des rééquilibrages dans le vivre ensemble. La proximité heureuse ne se fait pas que par la forme urbaine et les services du quartier, mais bel et bien par la vie et par les usages qu’y développent les habitants en cohabitation ou collaboration avec les usagers transitoires. Il s’agit désormais de retrouver et de renforcer des dynamiques en termes de communautés locales et de réseaux de voisins pour s’approprier au maximum ces nouvelles organisations urbaines et territoriales.

Proximité, écologie, solidarité et participation en sont les principes. Les gouvernances autant que les professionnels de « la fabrique de la ville », les acteurs économiques autant que les associations, les résidents autant que les usagers transitoires, peuvent aujourd’hui soutenir et participer à ces changements.

Expérimenter, évaluer et réenchanter les lieux pour trouver de nouveaux équilibres adaptés à chaque quartier, chaque ville, chaque territoire, quelle belle perspective!


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