Les interfaces urbaines, lieux de vie(s) et de production
Quelle rôle donner aux interfaces et franges urbaines ? Quelles ressources représentent-elles pour le développement des territoires ?
Temps de lecture : 10 min – 13 avril 2022 – L’équipe de LaVilleE+

Les interfaces urbaines, lieux de vie(s) et de production, espaces d’échanges entre ville et ruralité, précieuses ressources à l’heure de l’adaptation au changement climatique !
DANS UN CONTEXTE DE ZAN, QUELLE ROLE DONNER AUX INTERFACES URBAINES ?
En retrouvant les espaces délaissés, limiter l’artificialisation nette n’est plus un facteur limitant de l’attractivité
Aujourd’hui, le contexte écologique et climatique nous amène à reconsidérer nos priorités concernant l’aménagement des sols : Faut-il urbaniser nos terres agricoles au risque de mettre en danger nos capacités de production alimentaire ? Faut-il limiter l’artificialisation des sols pour préserver nos espaces naturels et fertiles, au risque de créer une densité peu désirable dans les villes ? Dans ce contexte le ZAN (Zéro Artificialisation Nette), a été fixé par l’État dans le but de limiter le phénomène d’artificialisation des sols d’ici 2050. Le ZAN n’est pas forcément un facteur limitant de l’attractivité de nos territoires, mais peut être vu comme une opportunité de repenser notre logiciel de conception urbaine. Il s’agit d’adopter une vision stratège des territoires en les aménageant avec soin et qualité, en retrouvant des espaces « délaissés », en renaturant partout où cela est possible… Et en repensant nos interfaces !
Exemple : Usines de Navarre
Les « Usines de Navarre » constituent une emprise industrielle historique située dans le quartier populaire de Navarre, dans la Ville d’Évreux (région Normandie). Soucieuse d’organiser un développement durable de son territoire, l’Agglomération Évreux Portes de Normandie a fait l’acquisition de ce foncier, constitué de deux secteurs. Un premier secteur permet d’imaginer une programmation urbaine mêlant habitat, espaces publics appropriables, parc urbain et espaces de loisirs autour de l’art et de la culture. Un second secteur permet par exemple d’imaginer des activités productives à l’avenir. Pour faire avancer le projet, EPN a souhaité engager une démarche de concertation inclusive début 2022 pour le premier secteur avec l’ensemble des acteurs locaux désireux de s’impliquer.
Quelles définitions pour les interfaces urbaines ?
Ici, les interfaces urbaines, parfois franges ou enclaves urbaines, doivent être comprises comme « des espaces de transition, nette ou graduée, où la ville laisse place à autre chose : la campagne, la forêt, la « nature », le terrain vague, le parking bitumé ou la friche en attente de projets…
Situées en bordure des espaces urbains, ces interfaces ont des fonctions diverses : entrées ou sorties de ville, espaces de relégation, zones préservées … . Toutefois, ces interfaces sont aujourd’hui des espaces urbains au rôle futur mal défini : Espace urbain ou rural ? Banlieue ou polarité secondaire ? Programmation commerciale, productive, de loisir ou d’habitat ?
En génie logiciel, s’il y a bien une chose que les concepteurs du 21ème siècle travaillent avec le plus grand soin, ce sont ces fameuses interfaces. On les appelle souvent les API (Application Programming Interface). Elles sont la porte d’entrée entre deux systèmes, entre deux intelligences… Elles offrent des services, bénéficient de mesures de sécurité renforcées pour protéger leur intégrité et les systèmes qu’elles alimentent. Elles absorbent des données métier et des données de contrôles, elles délivrent des données brutes comme des données formatées ou enrichies. Elles sont dédiées aux humains (HMI Human Machine Interface) ou aux communications inter-systèmes (API). Pourquoi donc notre « génie urbain », à l’image de notre « génie logiciel » ne pourrait-il pas soigner les interfaces urbaines ? A cela rien d’impossible. Il nous faut juste reconsidérer le rôle de nos interfaces urbaines.
QUELLES RESSOURCES REPRESENTENT NOS INTERFACES URBAINES POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES ?
Des capacités foncières mutables, voilà la clé
Loin de l’idée du cœur de ville, lieu de concentration de toutes les richesses, ces franges et interfaces réinventées sont donc nos nouvelles ressources. Mais quelles ressources ?
D’abord elles disposent de capacités foncières mutables, que l’on appelle parfois à tort des, « friches » ou les « délaissés urbains ». Ces lieux proposent encore une densité acceptable permettant une recomposition astucieuse des fonctions de la ville. Quant aux voiries, loin d’être étriquées, elles peuvent accueillir facilement des voies dédiées aux modes actifs. Un atout dans une perspective de mobilité durable accessible à toutes et à tous.
Exemple : Le quartier Strasbourg Deux Rives / Zwei – Ufer
Ville-Port, environnement naturel et paysage strasbourgeois – Le quartier Strasbourg Deux Rives / Zwei – Ufer au cœur de l’Eurométropole de Strasbourg à l’interface avec le Rhin et l’Allemagne. Un ambitieux projet sur un territoire industriel à proximité du Rhin qui fait naître 4 quartiers sur près de 74ha. L’un des 4, Le quartier Citadelle est lauréat de l’AMI « Démonstrateur de ville durable » – https://strasbourgdeuxrives.eu/fr/

Des espaces productifs au service de nos systèmes alimentaires locaux
L’espace disponible et parfois même la proximité avec les espaces agricoles ou naturels facilite la création d’espaces de production alimentaires peu consommateurs de foncier… Libre à nous d’imaginer et de créer de nouveaux lieux, sortes de tiers lieux mêlant agrégation de productions, marchés, laboratoires de transformation, espaces de stockage, espaces de production hors sols en sous-sol ou en toiture, fermes urbaines High-tech, Low-tech micro-maraîchage bio intensif) .… La résilience alimentaire de nos territoires urbains n’en sera que renforcée par ces nouvelles ressources !
Exemple : La ferme urbaine BIGH
Une opportunité pour développer des espaces publics appropriables, de la convivialité, de l’habitat, des offres culturelles ou événementielles
Ces interfaces offrent une capacité d’accueil des programmations culturelles non négligeable. Des aménagements tactiques de l’espace, tant du patrimoine industriel à requalifier que des espaces extérieurs, permettent d’imaginer sans crainte une nouvelle génération d’espaces appropriables, propices à la création et à la formation, à l’événement et au partage, tout en limitant l’impact des nuisances de ces espaces de production….
En jouant sur les épaisseurs, les transparences et les vues, en limitant l’épandage ou l’émission de polluants, nous pouvons facilement imaginer des interfaces entre usines et espaces publics, entre espaces logistiques et écoles, entre logements et espaces cultivés…
La qualité et le soin porté à l’animation des « rez-de-xx », rez de ville ou rez de champs, ces rez de rues qui ne sont plus des rez-de-chaussée contribuent efficacement à sécuriser le nouveau morceau de ville ainsi créé. Nous pouvons y recréer un sentiment de sécurité des usagers, habitants ou passants, travailleurs ou écoliers, familles ou séniors.
Une multitude de solutions s’offrent à nous en jouant sur la qualité des espaces, tout à la fois inclusifs, utiles et contributifs.
Exemple : Base 11/19 à Loos en Gohelle
Base 11/19 à Loos en Gohelle, en bordure de ville et de Terrils, symbole de l’exploitation charbonnière passée aujourd’hui devenue un Eco-Pole mêlant activités culturelles et économiques. Un site de référence en matière de développement durable, un lieu démonstrateur… et un lieu de vie.
Des espaces et des lieux à réinvestir avec une vision stratégique de long terme
En un mot, les interfaces, loin d’être de simples points de passage, méritent toute notre attention. Autrefois centrées autour de « rien de bien identifiable » , espaces non définis, parfois industriels parfois cultivés en agriculture conventionnelle (« grandes cultures »), mutés en zones d’activité mixte ou zones de commerce à la fin du 20eme siècle, bien souvent bien bitumées…
Avec la pression foncière, nous les redécouvrons. Ces nouvelles interfaces urbaines , incarnent cette nouvelle approche de l’espace, centrée autour du confort d’usage, incarnant ces nouveaux standards de qualité de nos villes durables : favoriser la nature et la résilience climatique, promouvoir une offre culturelle nouvelle, développer la production de biens et services, promotion des modes actifs et des mobilités décarbonnées…
Nos interfaces urbaines, des opportunités foncières à investir dès maintenant ! Du crayon à la maquette numérique, de l’observation des usages à la création, de la rencontre à l’atelier, révéler ces nouvelles richesses urbaines est l’affaire de toutes et tous. Allons au delà des « bâtiments totems », produisons de la ville engageante et engagée.
Inspirant et enthousiasmant !
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